Franck bonjour, qui êtes-vous ?
Je suis architecte diplômé d’État HMONP [1]. J’ai co-fondé Boum Conseil, dont je suis président, avec Axelle Anicet, mon associée. Nous avons en parallèle créé une agence d’architecture, Boum Studio. J’ai commencé ma carrière, dans le métier de l’architecture il y a maintenant une trentaine d’années, en tant que dessinateur indépendant, puis en tant que salarié en agence pendant une dizaine d’années, pour enfin revenir à l’entrepreneuriat fin 2020. Durant ma carrière j’ai principalement été investi dans des missions de concepteur de projet et pour une multitude de sujets : des écoles, des équipements publics de type espaces d’animation, des EHPAD (…), sans oublier des bâtiments industriels ou du tertiaire et des immeubles de logements, sujet sur lequel je me suis spécialisé depuis une douzaine d’années.
Quel est votre regard sur la crise immobilière ?
Quel est votre regard sur la crise immobilière ?
Cette crise a été déclenchée par de multiples facteurs qui ont touché l’ensemble de l’écosystème alors que, paradoxalement, nous manquons de logements neufs. Contrairement à ce qu’on nous fait parfois croire, ce n’est pas qu’une crise de l’emprunt, mais la montée des taux directeurs a immédiatement pétrifié le système bancaire qui est devenu rétif à accorder des prêts même sur des dossiers d’emprunteurs solides. En parallèle, l’augmentation des prix des matériaux, due en partie à l’augmentation des coûts de l’énergie (conséquence de la guerre entre la Russie et l’Ukraine), a fait augmenter les coûts de construction.
Dans un premier temps, cette augmentation a déséquilibré les bilans financiers sur les projets en cours, leur commercialisation ayant été en partie réalisée bien avant la crise.
Dans un second temps, les offres des promoteurs sont devenues bien moins intéressantes pour les propriétaires fonciers qui ont choisi d’attendre la fin de la crise. Certains promoteurs ont préféré « écouler » les stocks et les dossiers en cours plutôt que de lancer de nouvelles opérations. Ainsi, toutes les strates de l’immobilier, des bureaux d’études aux entreprises du BTP en passant par les agents immobiliers, ont subi un ralentissement de leur activité. Moins de projets neufs, donc moins d’offres, cela ne peut que freiner la baisse des prix d’acquisition.
Enfin, le troisième temps, qu’on appelle « la détente », qui va prendre encore un peu de temps mais qui a commencé grâce à la baisse amorcée des taux d’emprunts.
Quelles préconisations souhaitez-vous adresser au propriétaires?
Quelles préconisations souhaitez-vous adresser au propriétaires?
Comme toute crise, celle-ci fait partie d’un cycle et tout le monde est dans l’attente de l’après. Beaucoup espèrent un retour en arrière pour vendre leur terrain aussi bien que leur voisin l’a fait 3 ans auparavant, mais je reste personnellement très prudent sur ce point. En effet, même si le volet bancaire tend à s’améliorer, nous devons avoir en tête que les enjeux écologiques de demain passent par une évolution des normes de construction, des matériaux utilisés, des modes de chauffage, de la performance globale du bâtiment (…). Ces normes vont maintenir les coûts de construction hauts voire de plus en plus hauts. Je veux ici parler entre autres de la RE2020 [2], qui jusqu’à présent n’a pas tellement fait monter les prix, mais dont la mise en place se fait par paliers, ce qui ne va pas dans le sens de l’économie financière. Or nous franchissons un palier au 1erjanvier 2025 !
Attention aussi à la loi ZAN [3], dont l’objectif final, bien que fixé à 2050, voit sa montée en puissance, avec des objectifs à atteindre en 2031. De premières adaptations seront à intégrer, dès 2027, dans les nouveaux documents d’urbanisme conformément à la trajectoire vers une sobriété foncière.
On le voit, construire et aménager tendent vers une complexité et une limitation du processus. À nous, en tant qu’architectes et bureaux d’études, de faire preuve d’inventivité. Par contre, tout cela va engendrer de nouveaux coûts et la valeur du potentiel constructible d’un bien en sera nécessairement impactée.
Il faut avancer malgré tout car on le sait, le non-engagement, la non-décision ou encore l’attente d’une amélioration bloquent tout. Pourtant, nous le voyons tous les jours, les opportunités sont là, mais elles ne sont pas saisies.
En tant qu’architectes, comment accompagnez-vous les propriétaires ?
En tant qu’architectes, comment accompagnez-vous les propriétaires ?
Nous sommes à la fois neutres et qualifiés pour apporter des solutions aux propriétaires vendeurs. Nous apportons un service complet et panoramique qui va de l’étude du potentiel constructible du bien (le projet) jusqu’à la définition de sa valeur et de tout ce qui relève des aspects juridiques, fiscaux et patrimoniaux relatifs aux propriétaires. En tant qu’architectes, nous bénéficions aussi d’un accueil favorable au sein des mairies. Il faut avoir en tête que ce sont les élus qui sont les principaux décideurs de l’aménagement de leur territoire.
Pour conclure sur une note positive, quel message aimeriez-vous partager ?
Pour conclure sur une note positive, quel message aimeriez-vous partager ?
Ce qui compte c’est l’objectif visé par les propriétaires foncier quand ils décident de mettre en vente leur bien auprès d’un promoteur. Si derrière cette vente il existe un projet personnel, il vaut peut-être mieux le faire avancer en saisissant l’opportunité du moment plutôt que d’attendre et tenter le pari de faire mieux. Après tout comme le dit la formule : un tiens vaut mieux que deux tu l’auras !
Merci Franck pour vos réponses aussi précises que sincères.
[1] Pour exercer la maîtrise d’œuvre et être inscrits à l’Ordre des Architectes, les architectes diplômés d’État doivent obtenir une licence d’exercice appelée Habilitation à l’exercice de la Maîtrise d’Œuvre en son Nom Propre (HMONP).
[2] En 2020, la France passe d’une réglementation thermique, la RT2012, à une réglementation environnementale, la RE2020, plus ambitieuse et exigeante pour la filière construction. + lien vers le site du gouvernement. Plus d’informations sur www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020.
[3] La loi climat et résilience du 22 août 2021 a fixé l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’ENAF dans les dix prochaines années (2021-2031). Cette trajectoire progressive doit être déclinée territorialement dans les documents de planification et d’urbanisme. Plus d’informations sur www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols.
Interview réalisée en juin 2024 par Jessie Pasquier-Trautmann – Consultante en communication